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31 mai 2013 5 31 /05 /mai /2013 03:15
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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 03:25

 

mer-3.jpg

 

 

XXXVI

Durant toute la journée Sophia resta plongée dans un profond sommeil. Mais sa respiration avait retrouvé un rythme ordinaire, ses fonctions vitales aussi... si je puis dire.

Au soir Amogh revint avec trois petits bruants étouffés à la bascule et un beau lapin transpercé de frais. Il avait tout spécialement chassé les oiseaux pour Sophia, car d'ordinaire nous ne perdions pas nos forces pour un si maigre repas. J'en fis un bouillon qu'elle but avec une extrême lenteur.

Trois jours passèrent ainsi, Amogh, après les bruants prit une oie grasse qui fit un excellent potage. J'étais infirmier, cuisinier, garde-malade, valet voué aux basses besognes.

J'étais heureux.

Enfin le soir du troisième jour, Sophia entrouvrit les yeux et murmura :

_« Eloneloa... »

_ « Elle appelle sa copine, dit Amogh, Eloneloa c'est celle avec qui j'ai couché, et qui m'as donné le secret du souffle qui a été si efficace pour chasser les hommes bleus. »

_ « Tu es avec nous, Amogh et Absalom, tu ne crains rien. Repose toi, tu nous diras ce qu'il s'est passé. » murmurai-je à l'oreille de Sophia.

_« Eloneloa... »

Sophia sombra de nouveau dans son profond sommeil.

Je veillais encore une partie de la nuit,  puis Amogh me relaya car si j'avais pris une tisane de ces herbes qui tiennent les yeux ouverts ( cassis-persil), la fatigue me terrassa et je m'endormis en rêvant à la mer. Elle était douce à la peau et semblait notre amie. De longues algues fluides nous caressaient les jambes avec une légèreté amoureuse. 

(A SUIVRE)

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29 mai 2013 3 29 /05 /mai /2013 03:08

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XXXV

 

Pendant que je m'activais à réanimer Sophia, Amogh alimentait un feu constant, et préparait ses pièges, sans un mot. Je voyais bien que ce changement dans nos habitudes le contrariait.

_ « Tu aurais préféré que nous trouvions l'un de ces hommes bleus ? »

_ « Certainement, l'affaire aurait été plus vite expédiée, je lui aurais tranché la gorge et nous serions de retour depuis longtemps avec du gibier frais. »

_ « Nous ne pouvions quand même pas la laisser ainsi ? »

_ « Oublies-tu que je t'ai appelé ? J'aurais tout aussi pu revenir et te dire qu'il y avait dans le fond de cette grotte un humain mort, et l'affaire en serait restée là. »

J'ai veillé sur Sophia toute la nuit. Si j'avais connu un dieu je l'aurais prié. Depuis des années je cherchais en vain les herbes qui font prier. J'en avais testé de toutes les sortes et parfois il m'avait semblé atteindre le but spirituel, l'extrême fine pointe de l'âme, là où tout n'est que vacuité féconde, là où tout tourne dans une absolue sérénité autour d'un axe lumineux, là où il n'y a plus homme ni femme, faim ou soif, douleur ou fugace plaisir, là il n'y a rien si ce n'est un bain voluptueux d'amour constant... mais je vomissais avant d'atteindre cette lumière.

 

Au matin elle avait les jambes mouillées et une forte odeur d'urine envahit le petit espace surchauffé. Amogh se réveilla en faisant la grimace.

_ « Nous allons la sauver, je crois bien » lui dis-je.

_ « Ben j'espère ! Quelle puanteur. Je sors, je vais chasser ».

 

(A SUIVRE)

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28 mai 2013 2 28 /05 /mai /2013 03:29

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XXXIV

 


Les symptômes étaient flagrants : le cœur battait vite, la bouche était sèche, la pupille dilatée, et Sophia qui aurait dû être trempée d'urine depuis qu'elle était inanimée, était restée absolument sèche. Et cela était d'une gravité extrême. L'urgence absolue était de rétablir la circulation naturelle des fluides.

Par bonheur, depuis le vol de nos chevaux, j'avais conservé dans mes poches un peu de poudre de fève de Calabar qui avait échappé - parce qu'elle était restée dans mes vêtements sur la plage - aux funestes hommes bleus. Je préparais une soupe claire avec ce remède que j'introduisis avec mille précautions, et durant une longue heure, dans la bouche de Sophia. Par réflexe elle déglutissait. Mais il fallait procéder avec lenteur, et mesurer avec exactitude la quantité qui pouvait être absorbée sans provoquer le rejet.

Elle murmurait un mot bizarre :

_ Maman. Maman. Maman court dans la pente verte.


_ Elle divague constata Amogh occupé à tresser des lacets en peau d'anguille.


_ Non, maman est un mot ancien. J'ignore ce qu'il signifie, c'est un mot perdu qui remonte soudain à son esprit, comme il arrive parfois aux agonisants. J'aimerais tant moi aussi dévaler des pentes vertes, cette neige et ce froid me lassent.


_ Peut-être mais c'est ce qui nous fait manger.


 Si j'avais su écrire j'aurais gardé ce nom si beau, "maman", car je sais qu'il se perdrait de nouveau. Notre mémoire était si médiocre. Peut-être même allait-il disparaître pour toujours. Peut-être était-ce la dernière occasion de l'entendre, d'entendre comme il sonnait, et comme il résonnait bizarrement en nous. Comme une tristesse surannée. 

 (A SUIVRE)

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27 mai 2013 1 27 /05 /mai /2013 03:17

 

20120901_1126.jpg

 

XXXIII

Avec mille précautions je lui retirai le gilet en lapin qu'elle portait à même la peau et qui, aussi, avait été tailladé par la lame.

Du sang séché formait de grandes plaques devenues dures avec le temps et le froid.

Il me fallut longtemps pour parvenir à dégager totalement ce corps osseux. La plaie était longue et profonde, entre le nombril et le flanc. Elle semblait voir été provoquée par un coup de sabre fin, aiguisé comme un rasoir. Qui pouvait user de telles armes ? Des gens qui fouillaient encore les villes mortes certainement. Nous, qui pourtant étions habiles, ne disposions que de lames certes coupantes, mais épaisses. La plaie était considérable mais elle n'était pas mortelle, sauf à perdre tout son sang. Un détail m'intrigua : les bords de la coupure avaient une couleur bleue fort intrigante. Je goûtais le bout du doigt que je venais de frotter doucement au sang frais, et je reconnus immédiatement le datura stramonium. La sève de cette plante toxique avait été répandue sur la lame pour pénétrer dans le corps de la victime. L'effet était inéluctablement mortel au bout de plusieurs jours, huit ou dix peut-être.

Depuis quand Sophia avait-elle été blessée ? En été j'aurais su tout de suite déterminer l'exact moment de son agression, la venue d'insectes dans l'entaille ne peuvent alors pas tromper, mais au cœur glacial de l'hiver c'était impossible.

(A SUIVRE)

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26 mai 2013 7 26 /05 /mai /2013 03:43

  Vous n'avez pas le temps de lire ? Balthazar est là. Il écrit pour vous des phrases romanesques qui valent des volumes entiers. Vous les lisez en moins de 30 secondes et votre imagination fait le reste.

images-copie-1.jpg

Le goût du sang, 

c'est celui de la lame.

(Balthazar Forcalquier)

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25 mai 2013 6 25 /05 /mai /2013 03:43

Il reste à inventer un loukoum de régime,

sans sucre.

(Balthazar Forcalquier)

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24 mai 2013 5 24 /05 /mai /2013 03:52

 

Un oubli au générique : la musique est signée par les Touret, mille pardons à eux qui feront reluire les cuivres.

 

 

 

 

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23 mai 2013 4 23 /05 /mai /2013 03:22

 

feu,petillant

 

 

XXXII

Nous arrivâmes enfin, épuisés, et affamés, car naturellement la halte prévue au début de notre traque avait été escamotée.

Notre abri était volontairement exigu, pour le chauffer plus facilement. C'était ce que jadis les bûcherons appelaient un "cul de loup". L'unique pièce était à demi-enterrée. Nous avions creusé cet espace, et l'avions couvert d'une grossière charpente en perches de douglas. Des brassées de fougères jetées là en épais matelas, en guise de toiture, nous assuraient le sec et le chaud. Une lourde odeur animale mêlée de terre mouillée et de champignon flottait dans cette demi-cave.

Nous avons attribué, sans concertation, la meilleure place à Sophia. C'est-à-dire loin de la porte et proche du foyer. C'est ici aussi que le matelas de feuilles sèches étaient le plus épais parce qu'il couvrait une sorte de creux naturel dans la roche, et c'est là que peu à peu s'était accumulé les feuilles de l'autre paillasse. Nous l'occupions jusqu'alors à tour de rôle, Amogh et moi. Nous formions tous les deux une magnifique république.

Il fallut partager entre nous ce qui restait, ce qui ne fit pas un lit bien moelleux, ni pour lui, ni pour moi.

_Charge le feu dis-je pendant qu'avec d'infinies précautions je déshabillais Sophia.

 

Amogh jeta dans la braise une bonne falourde.

Sophia n'était pas bien grosse quand je l'avais naguère serrée dans mes bras, mais elle était cette-fois d'une effrayante maigreur. Elle n'avait pas mangé à sa faim depuis longtemps. Elle était sale également, elle qui m'avait semblé si coquette au point de se frotter la peau avec des aspérules odorantes séchées. Elle embaumait alors le foin, l'amande et la vanille.

(A SUIVRE)

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22 mai 2013 3 22 /05 /mai /2013 03:03

 

 neige.jpg

 

      XXXI

 


J'approchais mon oreille du visage émacié, si maigre.

_ « Elle respire encore . »

_ « On va la sortir de ce trou à rat, on n'a rien ici pour tenter de la soigner. Faisons un brancard. »

 

La peau de cerf attachée aux perches de châtaignier fit une civière suffisante pour traîner Sophia le long du boyau. Puis en la tirant par les pieds, et Amogh lui soulevant la tête, je parvins à la poser au pied de la falaise, à l'air libre. J 'avais espéré que le froid vif puisse ramener Sophia à nous. Mais elle restait inanimée, très blanche, belle encore.

Il nous fallut longtemps pour rejoindre notre gîte, la femme n'était pas lourde, mais la neige était fraîche, et en dépit de nos raquettes, elle ne supportait pas le poids de nous trois ainsi liés les uns aux autres. Nous formions certainement un curieux équipage. Je fermais la marche et je prenais soin d'amortir les a-coups qu'Amogh accomplissait en jurant, maladroit avec ses mains en arrière et sa longue silhouette penchée en avant. Nous avions mis sur Sophia nos chabraques désormais sans objet depuis la perte de nos chevaux, des capes en peau de castor pour la réchauffer, et en dépit des efforts qui nous coupaient le souffle, nous claquions des dents, tant le froid était vif, brutal, acéré. Sans doute attirés par l'odeur du sang, un parfum qui porte loin dans le froid, des loups en meute, avaient rejoint un promontoire sur notre droite, et nous suivaient attentivement de leur infecte démarche svelte. Il y avait du félin dans cette façon de ne toucher que très peu au sol, et aussi dans cette manière un peu répugnante d'allonger le cou et de filer au petit trot, la tête basse et le regard félon.

(A SUIVRE)

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