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21 mai 2013 2 21 /05 /mai /2013 03:48

grotte-copie-1.jpg 

 

 

 

 

XXX

Il ne fut pas difficile de tailler deux beaux rejets dans un taillis de châtaigniers tout proche. Je n'avais pas de feu, ni de torche, j'entrais donc à tâtons, tirant derrière moi les deux morceaux de bois.

Le sol était caillouteux, je me cognais la tête au plafond du fin boyau. Après avoir progressé dans l'obscurité complète baignée d'une odeur lourde de moisissure, j’aperçus au loin la lueur de la torche.

Je fus assez rapidement aux côtés d'Amogh qui était penché au-dessus d'un corps inanimé.

C'était une femme

 _«  C'est... C'est Sophia !»

 _« Sophia ? »

_« La fille avec laquelle j'ai passé la nuit, tu te souviens, la compagne d'Eloneloa. »

_«  Ah... Il est vrai que tu la connais mieux que moi » dit Amogh avec un malicieux petit sourire.

 

Elle gisait là enveloppée dans une peau de cerf. Amogh ouvrit un peu cette enveloppe et l'on vit une large entaille dans l'échine de la jeune femme, une vilaine coupure qui avait ouvert ses vêtements de cuir et s'était fait un chemin jusque dans ses entrailles. Les lèvres de la plaie étaient mouillées de sang frais.

(A SUIVRE)

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20 mai 2013 1 20 /05 /mai /2013 03:06

 

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XXIX

 

Le sang sur la neige soulève toujours une sorte de grâce singulière. Ce rouge si beau, si... vivant d'une certaine manière ; avec ce blanc si coupant, ces deux nuances sont faites pour être sœur. Je m'absorbais dans cette contemplation. Amogh aussi restait silencieux, fasciné par tant de pureté, par tant d'évidence. La jouissance du monde est aussi dans ces instants nés d'une brutalité aboutie.

Le sang n'était qu'en fines taches, mais plus on suivait la piste, plus les marques s'élargissaient. A l'évidence une blessure profonde s'était rouverte.

La piste menait au pied d'une falaise abrupte coiffée d'une crête de rudes résineux, petits arbres, âpres qui savaient résister aux tempêtes et qui livraient toute leur énergie à faire entrer leurs racines dans la roche, comme des crocs puissants.

Les empreintes aboutissaient à une minuscule faille dans la paroi.

  Prudence , prudence » dit Amogh en allumant une branche d'épicéa à la braise qu'il entretenait toujours dans un petit sac de peau dure.

 La flamme s'élança soudain. Et le poignard dans l'autre main, il entra dans le mince trou en se faufilant.

J'attendis de longues minutes. Puis, très loin dans le cœur du caillou j'entendis la voix d'Amogh

_ « Viens vite Absalom, apporte deux perches ».

 (A SUIVRE)

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19 mai 2013 7 19 /05 /mai /2013 03:00

  Vous n'avez pas le temps de lire ? Balthazar est là. Il écrit pour vous des phrases romanesques qui valent des volumes entiers. Vous les lisez en moins de 30 secondes et votre imagination fait le reste.

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Le premier mot que prononce le bébé n'est jamais :

"MOI"

(Balthazar Forcalquier)

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18 mai 2013 6 18 /05 /mai /2013 02:54

Le seul nom de Dieu homologué est

"JE SUIS"

(Balthazar Forcalquier)

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17 mai 2013 5 17 /05 /mai /2013 03:13
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16 mai 2013 4 16 /05 /mai /2013 03:59

 

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Un matin, alors que nous nous étions éloignés de notre hutte, et que nous avions passé le col pour verser dans la vallée voisine où nous avions repéré une harde de biches la veille, nous avons vu des pas humains sur la neige. Ils se dirigeaient vers l'est. Les traces étaient fraîches au point que le bord de l'empreinte était à peine dure et le fond absolument pas gelé.

Du regard nous nous interrogeâmes Amogh et moi. L'empreinte était menue, c'était celle d'une femme seule à n'en pas douter.

 

_ "Regarde, regarde, a dit Amogh, elle boite. Vois comme le pied gauche s'enfonce plus légèrement. Elle semble malade."

 


_ "Malade ou blessée" répondis-je

 

 

Pendant que j'observais l'horizon à la recherche d'une éventuelle silhouette, Amogh avança d'une centaine de mètres.

 

 

_ "Bien vu Absalom, voici des trace de sang bien fraîches!"

(A Suivre)

 

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15 mai 2013 3 15 /05 /mai /2013 03:23
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Au long des heures froides, moi, ce qui me manquait c'était mon livre de la manufacture de Saint-Etienne.

 

Nous partions au matin chasser et il fallait rentrer tôt car la nuit était précoce en cette saison. Les plateaux alourdis de neige étaient comme de douloureux miroirs sous le soleil de midi.

 

Dans des omoplates de rat nous avons taillé des fentes et nous avons ajusté à nos yeux ces fines meurtrières qui filtraient l'insupportable lumière. Avec des tendons de chevreuil, nous avons tressé des raquettes pour ne plus nous enfoncer jusqu'aux cuisses  dans la neige fine. D'une certaine façon cette vie était bonne à vivre car la viande était abondante. La chasse aisée. Le gibier avait faim et nos pièges étaient rarement vides, et la trace des grands animaux était bien visible sur les étendues désertes du plateau.

 

Nous parlions fort peu. Nous n'échangions que d'utiles paroles, souvent à voix basse car la chasse nous habitait toute entière.

Nous jouissions du monde qui, à part le sang de nos proies, étaient d'une sérénité absolue. Et même le sang sur la neige composait de gracieuses harmonies. Tout était éperdument beau !

 

(A Suivre)

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14 mai 2013 2 14 /05 /mai /2013 17:37

 DSCF0958-copie-1.JPG

 

 

De la gnôle mes frères j'en ai bu, et de sèvères, et de brutales, des coulées vives, sans génie. De la pureté ? Elles en avaient, mais avec des angles si aigus qu'ils déchirent à leur approche, justement par excès de pureté. Il fallait alors les boire à corps perdu. Comme on va se noyer.

 

Si l'on m'avait dit que, dedans il y avait du fruit, j'en aurais été bien étonné. Du fruit ? Pourquoi faire, puisqu'il y avait déjà de l'essence et rien d'autre ?

 

Mais je parle là d'un temps ancien, quand la brutalité de la vie ne laissait guère de temps à la méditation. Depuis, mes frères, j'ai croisé les fines bouteilles de Marina et Laurent Cazottes.

 

Dire que ce fut le plus beau jour de ma vie est... comment dire... excessif. Mais, comme on découvre, ébloui, Rimbaud, Blaise Cendrars, Fernando Pessoa, ou Julien Gracq, on arpente, avec ces eaux de vie, des mondes nouveaux. Familiers et nouveaux.

 

Ces contrées émouvantes nous les savions disponibles et pourtant inaccessibles.

 

L'esprit, mes frères, l'esprit, pas le distillat, pas le degré, pas la brûlure délicieuse, mais l'esprit pur. L'esprit d'une poire. Pas la poire, pas ses souvenirs de poire, pas sa vie de poire, mais son esprit. Je veux dire qu'en mettant une gorgée d'alcool de poire de Cazottes en bouche, je deviens moi-même poire et j'en sais tout, ses flirts avec les abeilles, ses émotions juvéniles, ses tracas adolescents, ses responsabilités considérables, comme tout ce qui est au monde, comme tous ceux qui sont libres.

Voilà ce que je voulais dire de Cazottes et des siens. On peut aussi raconter que tous ces mystères ont une cause, un respect constant de la plante, un soin méticuleux du mûrissement, une cuisine savante ensuite ; mais tout cela c'est du savoir-faire, pas du mystère. Le secret est de révéler le mystère, de le rendre accessible à ceux qui le cherchent.

Cazottes c'est du Coltrane, par exemple « my favorite things » ; ou alors du Bach : le prelude in do mineur, BWV 847, qui n'est que joie à pleurer.

Oh je vous entends, frères, me dire : arrête ton char Balthazar.

Ah mais non ! Il va au galop mon char, et s'il ralentit, il me reste une bouteille de Cazottes, encore, pour relancer cette course gracieuse.

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14 mai 2013 2 14 /05 /mai /2013 03:18

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    • En deux semaines, amaigris mais vifs comme des chats nous avions reconstitué l'essentiel de notre équipement. Il était temps, la neige commençait à tomber. Notre course folle nous avait conduit sur des hauteurs riches en animaux de toutes tailles. Nous avions assez de peaux pour construire un abri matelassé de fougères. Et nous avons cousu les peaux et les avons assemblé en couvertures. 


      Nous avions assez de viandes et de graisses pour affronter le début de l'hiver. Le gel était intense. Les journées longues et paresseuses.

       

      _ Nous redescendrons à la mer au printemps après avoir franchi le col. Nous reprendrons la route de l'ouest et du sud.


      _ En attendant nous hibernerons.


      Amogh avait cette qualité précieuse de ne jamais remâcher un échec. La rencontre avec les hommes bleus était lointaine, mais jamais depuis il n'avait fait allusion à la perte de nos chevaux.

      (A suivre)

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13 mai 2013 1 13 /05 /mai /2013 05:59

  20120901_1061.jpgbon

 

Nous étions sans force. Amogh assis les jambes écartées laissait filer le sable dans ses doigts avec un regard si vide qu'il m'a fait peur.


Je lui ai tendu la main. Il s'est levé et a dit  

_ Qui a eu la bone idée d' attacherles  chevaux ici?

_ C'est moi


« Bon, tant pis, on ne peut pas gagner tout le temps.

 


Nous avons repris notre route à pied. Il nous fallait retrouver les gibiers faciles, et pour cela regagner la montagne, sans tarder, avant les grandes neiges.


Nous avons couru trois jours le long de la rivière qui est peu à peu devenait un torrent. Nous avons grignoté des racines de bardane, du pissenlit, des carottes sauvages, du panais, onagre et quelques grosses ravenelles. Amogh a tendu quelques collets en vain. Mais il n'avait pas son pareil pour l'affût, immobile des heures, se métamorphosant en pierre, plus figé qu'une roche. Il avait ainsi capturé des ragondins si myopes qu'ils passaient le soir à portée de sa main.

Nous les avons dévorés, et avec leurs tendons nous avons pu tendre des pièges élaborés ; avec leurs dents affûtées sur des granits doux nous avons eu des pointes de flèche redoutables empoisonnées comme il convient pour n'avoir pas à courir des heures derrière le cerf blessé. 

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